16/08/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

Les nouveaux chercheurs d'or

01/12/2003
L’or et les métaux précieux récupérés dans les circuits imprimés des ordinateurs usagés ont rapporté l’année dernière 12,5 millions de dollars américains à la société Super Dragon.

>>Une société taiwanaise s’est spécialisée dans la récupération des infimes parcelles d’or que recèlent les ordinateurs dont nous n’avons plus l’usage

Au rythme où les produits informatiques se renouvellent, un ordinateur portable dernier cri a toutes les chances d’être considéré comme obsolète d’ici deux ou trois ans. Il n’en est pas des ordinateurs comme des voitures de collection qui prennent de la valeur avec l’âge. Les ordinateurs, eux, quel qu’ait été leur prix d’achat, sont promis au rebut. Toutefois, ils ne sont pas perdus pour tout le monde : des Taiwanais entreprenants ont compris qu’il y avait là une mine à exploiter.

Premier constat : les déchets de la société de l’information s’entassent à une vitesse exponentielle. Alarmés par le phénomène, les défenseurs de l’environnement à travers le monde réclament des législations plus strictes qui obligeraient les constructeurs informatiques à proposer des produits réutilisables et économiseurs d’énergie.

A Taiwan, bien que la notion de recyclage soit désormais mieux acceptée, dans la pratique, elle reste relativement marginale. Les premiers programmes d’incitation au recyclage des produits informatiques, en particulier, ne datent que d’il y a cinq ans environ. Ils permettent de traiter une partie des ordinateurs mis au rancart, et d’en faire des objets décoratifs ou des plaques de matériaux composites à l’aspect du marbre ou de la céramique. Mais surtout, comme l’a par exemple compris la société Super Dragon, on peut en extraire des quantités non négligeables d’or pur.

« Nous avons traité 6 600 t d’ordinateurs usagés l’année dernière », dit Roscow Hsiao [蕭榮發], de Super Dragon Technology. Cette activité a généré environ 12,5 millions de dollars américains de revenus pour la firme taiwanaise et on estime que ce résultat pourrait atteindre cette année 17 millions de dollars.

Super Dragon, explique l’industriel, est la seule société à Taiwan qui soit capable de recycler tous les éléments des ordinateurs. Ses concurrents se concentrent en général sur une seule partie : l’écran, par exemple, ou encore les circuits imprimés… Pionnière dans ce secteur d’activités, Super Dragon fait figure de modèle.

« Il nous arrive d’accueillir des délégations de hauts fonctionnaires ou des diplomates qui viennent s’informer sur les techniques de transformation des déchets », fait-il remarquer, soulignant que des enseignants font visiter l’usine à leurs élèves.

La fabrication des microprocesseurs, des connecteurs et des circuits imprimés requiert souvent l’utilisation de parcelles d’or, ce métal étant un excellent conducteur. Avec la technologie appropriée, cet or peut être récupéré dans les ordinateurs envoyés à la casse. Chaque tonne de PC peut ainsi dégorger environ 100 g d’or. Un autre métal précieux, le palladium, est lui aussi extrait à un coût raisonnable. Le palladium, et les alliages dans la composition desquels il entre, sont utilisés dans les filtres à hydrogène, en joaillerie, en électricité ou encore dans la fabrication de certains instruments chirurgicaux. Selon Roscow Hsiao, environ 57% du chiffre d’affaires de la société sera cette année réalisé sur la récupération et la revente de métaux précieux, soit 25% de plus qu’en 2002.

Les déchets non métalliques tels que le verre des écrans ou les boîtiers d’ordinateur sont eux réduits en une poudre d’une très grande finesse qui sert à fabriquer des objets décoratifs, des briques ou du marbre synthétique. Ingénieur de formation, Roscow Hsiao explique que c’est ce procédé spécial de pulvérisation des matériaux qui donne à la société son identité « verte ». D’ordinaire, en effet, les déchets industriels sont soit incinérés - une solution ayant l’inconvénient d’engendrer des émissions toxiques -, soit enterrés dans des décharges. C’est sans doute là la plus mauvaise option puisque le risque existe que des polluants fassent leur apparition dans la chaîne alimentaire.

Super Dragon s’enorgueillit de maîtriser une technique qui lui donne un avantage décisif sur ses concurrents : de la détermination de la qualité de l’or présent sur les circuits intégrés jusqu’à son extraction et sa purification, la société a acquis un solide savoir-faire.

Roscow Hsiao raconte que le fondateur de la société a travaillé dans une bijouterie lorsqu’il était jeune, et que cette expérience lui a appris à déceler l’or de qualité au premier coup d’œil - même en quantité infime plaquée sur un circuit informatique « C’est comme un sixième sens, dit-il en riant. Jusqu’ici, il ne s’est jamais trompé. »

L’office de la Protection de l’environnement (EPA) a récemment créé un comité de gestion des fonds réservés à la promotion du recyclage, qui offre des incitations financières - de quelques centimes à quelques dollars l’unité - aux sociétés exécutant le retraitement des ordinateurs. Les résultats de cette politique sont encourageants, puisqu’on est passé de 138 000 machines recyclées en 1998 à 1,7 million d’unités l’année dernière. Le nombre des sites de retraitement s’est lui aussi multiplié.

Un responsable de l’EPA souligne que les pouvoirs publics soumettent désormais les fabricants à une taxe de recyclage pour chaque ordinateur qu’ils vendent. Les fonds ainsi prélevés sont ensuite redistribués entre les sociétés réalisant la collecte des appareils usagés et les usines de retraitement.

Super Dragon ne manque pas de clients, avec les innombrables sociétés informatiques présentes à Taiwan, mais les débouchés pour les objets décoratifs fabriqués à partir de matériaux recyclés demandent à être développés. Pour l’heure, ils sont surtout achetés… par des employés de sociétés high-tech - celles-là mêmes qui produisent des ordinateurs fournissant la matière première à Super Dragon ! Ce sont en effet à peu près les seuls pour l’instant à en avoir entendu parler.

Mais cela n’empêche pas la société de voir toujours plus loin. Parmi les projets de la direction, faire de l’usine un site « touristique ». Un objectif plus réaliste, pense Roscow Hsiao, consiste à mieux faire connaître l’activité de la société et sa production. L’idée est d’inciter les Taiwanais à acheter des objets issus du recyclage - « pour signifier leur amour de la nature, si vous voulez… » ■


Eclats de terre

Dans un passage souterrain pour piétons près de la gare de Keelung, les murs sont décorés d’une immense fresque représentant la vie des fonds sous-marins. Eclairée sous tous les angles, l’œuvre miroite sous les rayons lumineux. L’effet, saisissant, provient du matériau qui a été utilisé pour réaliser cette fresque : des gravillons de verre obtenus en recyclant des bouteilles de bière, des bocaux et autres flacons.

Ces jolis éclats de verre, baptisés Green Glasstone par leur fabricant, Taibao Glass Industry, n’ont pas seulement des qualités décoratives : ils servent à réaliser des surfaces imperméables et résistantes au feu, ce qui en fait un matériau de construction de premier choix. En outre, précise la société, ils ont un fort coefficient de réfraction — 1,13 dioptres —, alors que le marbre ou le granit par exemple ne réfléchissent pratiquement pas les rayons lumineux. Certains parviennent même à filtrer les rayons ultraviolets.

Derrière l’aventure de Taibao, il y a un chef d’entreprise innovant, Wu Chun-chih [吳春池]. Propriétaire de Spring Pool Glass Industry, celui-ci a créé Taibao il y a trois ans pour diversifier ses activités et trouver un marché pour le verre recyclé, un métier pour lequel Spring Pool était déjà renommée dans ce secteur. La moitié du verre usagé est à Taiwan recyclé dans les usines de Spring Pool. Pour Taibao, la matière première n’est donc pas difficile à trouver…

Le produit phare de Taibao, Green Glasstone, a été lancé il y a deux ans et il a été bien accueilli dans les foires commerciales internationales, affirme un employé de la société. A Taipei, il semble avoir séduit les services municipaux, puisque plusieurs grandes artères de la capitale ont été bitumées avec un mélange d’asphalte et de ces particules brillantes.

Sans doute faut-il espérer voir la demande augmenter pour les matériaux de récupération innovants comme ce gravier coloré : ce serait le signe d’une bonne attitude envers l’environnement. ■

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